Une flore adventice diversifiée ne pénalise pas le rendement
Au mois de décembre, Jean-Christophe Girondin-Pompiere, un des co fondateurs d’AgroLeague a rencontré Stéphane Cordeau, petit-fils d’agriculteur et chercheur à l’INRA qui s’intéresse à la relation entre système de culture et adventices. Nous avons parlé gestion des adventices, système de culture, avenir du glyphosate etc…
Pour écouter l’interview de Stéphane Cordeau, c’est ici.
J’en profite aujourd’hui pour en revenir sur une partie des travaux de Stéphane, menés conjointement avec l’université Scuola Superiore Sant’Anna de Pise en Italie. La publication utilisée dans cet article est “Mitigating crop yield losses through weed Diversity” rédigé par Adeux, Cordeau et al…
Pourquoi cette étude est intéressante ?
Les systèmes hyper simplifiés (peu de diversité de culture, même type de travail du sol et de lutte contre les adventices) ont tendance à sélectionner une communauté d’adventices restreinte. Les moyens de luttes contre ceux-ci sont très récurrents et entraînent des résistances.
Le plus souvent, les adventices sélectionnés par nos systèmes sont écologiquement proches de la culture et entraînent une concurrence encore plus grande. Le Ray-grass et le vulpin dans les céréales, la ravenelle dans les colzas, le chénopode dans la betterave etc…Ce sont ces adventices qui entraînent aussi le plus de perte de rendement. Une diversification du système de culture, de la rotation, des moyens de lutte serait peut être un moyen de rééquilibrer la flore ? Et une flore adventice équilibrée n’est peut-être pas à détruire ? Intéressant...
Une flore adventice diversifiée ne pénalise pas le rendement
On croit souvent que la présence d’adventices sur la parcelle induit automatiquement une compétition et donc une perte de rendement. Cette étude nous montre que si les adventices ont globalement un impact négatif sur le rendement cela dépend beaucoup de la diversité de la flore.
Repenser l’étude des compétitions entre adventices et culture
La lutte contre les adventices est une problématique majeure des productions végétales. Jusqu’à présent, l’utilisation des herbicides ont donné de très bons résultats. Mais les herbicides coûtent cher, de nombreuses molécules sont retirées du marché et l’on observe de plus en plus de résistances dans les champs.
Des études effectuées précédemment sur la compétition des adventices sur les cultures ont surtout été menées taxon par taxon (par espèce d’adventice) plutôt que par fonctionnalité commune ou en prenant en compte les interactions entre adventices au sein de la parcelle.
Une des théories émises est que la concurrence entre un adventice et une culture est plus intense lorsque les deux appartiennent à la même niche écologique. Si les niches écologiques des populations adventices sont diversifiées, cela réduit la probabilité qu’une niche proche de la culture soit très développée.
L’étude a été menée entre 2015 et 2018, elle suit 216 micro-parcelles de céréales d’hiver à la ferme expérimentale de Dijon. Elle cherche à étudier la quantité d’adventices, leur diversité et les pertes de rendement.
La diversité floristique et le nombre d’adventices par m2 sont inversement proportionnels
Pour ce faire, l’étude classe les parcelles par communautés d’adventices (une communauté = plusieurs types d’adventices sur la même parcelle). Il y a six communautés différentes dans cette parcelle.
Sur cette figure on voit directement que les communautés d’adventices présentant peu de diversité floristique sont aussi celles qui ont le plus d’adventices/m2.
Sur l’ensemble de l’essai, les parcelles non-désherbées enregistrent une perte de rendement de 30% en moyenne par rapport aux modalités sans adventices. Il ne s’agit pas de dire que les adventices n’ont pas d’impact sur le rendement ! Les adventices réduisent essentiellement le nombre d’épis/m2 et le nombre de grains/ épi bien que cela dépende de la période de développement de l’adventice.
L’étude utilise un index de diversité appelé “Shanon diversity index” pour juger de la diversité de la flore adventice.
Concrètement, plus la diversité en adventices est importante, plus le nombre total d’adventices/m2 et la biomasse totale des adventices sont faibles sur la parcelle.
Une relation entre quantité des adventices et perte de rendement
Il y a une forte relation entre la population totale des adventices sur la parcelle et la perte de rendement. Globalement plus il y a d’adventices /m2, plus on perd en rendement.
Comme nous l’avons vu, les parcelles non désherbées observent une perte de rendement de 30% en moyenne par rapport aux parcelles sans adventices. Cette perte peut dépasser les 50% suivant les espèces d’adventices les plus présentes sur les parcelles. En revanche il n’y a pas de différence significative de rendement entre les témoins sans adventices et les parcelles où l’enherbement est contrôlé (hersage / herbicide).
Les communautés essentiellement composées de vulpin et de gaillet gratteron ou de véronique et de pensée des champs sont les plus dommageables pour les rendements de la céréale d’hiver.
La proximité entre l’espèce adventice dominante et la culture n’explique pas la perte de rendement. En effet la véronique feuille de lierre et la pensée des champs engendrent autant de perte de rendement que le vulpin et le gaillet gratteron.
Au contraire d’autres populations d’adventices sont beaucoup moins dommageables pour les céréales d’hiver.
En résumé
- Une population adventices équilibrée (diversifiée) limite le nombre d’adventices/m2
- En conséquence une population d’adventices équilibrée a peu d’impact sur le rendement
- Toutes les espèces n’ont bien entendu pas le même pouvoir de concurrence avec les céréales d’hiver.
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