7 points clés pour une moisson dans une démarche de sols vivants
La récolte est un maillon clé de la réussite des futurs semis et du système agricole en général : la préparation de l’implantation de la culture suivante démarre dans la moissonneuse. Pour ceux qui souhaitent se diriger vers des pratiques d'agriculture de conservation des sols, la moisson est la première étape du semis direct.
Avec les membres de la League, on travaille sur l’optimisation des systèmes agricoles dans leur ensemble pour les rendre plus performants, rentables et durables.
On souhaite vous partager 7 points intéressants à prendre en compte pendant la récolte pour limiter l’impact de l’opération sur la structure du sol et optimiser la gestion des pailles.
1 - Contrôler le plus possible le trafic dans le champ
Idéalement, une bonne structure de sol à la moitié de son volume occupé par la porosité. La pression exercée par les passages d’engins dans les parcelles crée un phénomène de tassement, qui correspond à la diminution de ce volume de porosité. Celui-ci impacte directement la capacité d’infiltration de l’eau et de l’air, la facilité de pénétration et d’exploration des racines dans le sol ainsi que le fonctionnement de l’activité biologique.
Pour réduire la surface de tassement dans la parcelle, on peut envisager de :
- Garder les camions en dehors du champ;
- Essayer de vider à l‘arrêt en bout de champ plutôt qu’en marche;
- Ne pas tourner dans le milieu du champ;
- Le transbordeur doit suivre les mêmes traces que la moissonneuse batteuse;
- Établir un plan de transport pour le ravitailleur/les remorques et s’y tenir. Dans ce cadre le « Controlled Traffic Farming » est une piste intéressante (voir plus bas).
2 - Réduire la pression au sol pendant les opérations
Le tassement superficiel (<10 cm), accentué par les passages successifs d’engins dans les champs, est d’autant plus présent que le pneu est étroit et que la pression exercée est élevée. Le tassement en profondeur n’augmente pas avec la succession de passages, mais dépend plutôt de l’humidité du sol au moment du passage et du poids total de la machine : plus le poids est lourd, plus le tassement sera profond dans le sol.
Visuellement on a plutôt tendance à ne vouloir faire qu’un seul passage pour réduire la présence d’ornières en surface. Pourtant, en termes d’impact sur la structure du sol, il peut être plus judicieux d’effectuer plusieurs passages avec une charge plus légère, par exemple en évitant de remplir la trémie et/ou le ravitailleur à leur capacité maximale, car le tassement profond est plus délicat à corriger que celui de surface.
Au niveau pneumatique, les pneus radiaux larges et à basse pression permettent une meilleure répartition du poids et réduisent la contrainte au sol, en particulier en cas de conditions humides. En effet, un pneu radial a une empreinte plus large et plus plate qui amortit mieux qu’un pneu diagonal.
Aussi, le télégonflage est une technologie qui permet d’adapter rapidement la pression du pneu selon l’opération culturale que l’on souhaite effectuer, sur la route ou dans les champs. Utilisée à bon escient, elle permet de réduire la pression au sol et le phénomène de tassement. Cependant, cette option reste onéreuse et doit être bien maîtrisée.
3 - Le « Controlled Traffic Farming » : une piste intéressante pour réduire la surface de tassement sur la parcelle
À partir d’une certaine largeur d’outils (>6 mètres), on peut envisager le CTF (« controlled traffic farming » = système de guidage contrôlé par satellite). Utilisé à grande échelle depuis la fin des années 90 en Australie, cette technique permet de limiter la surface de compactage liée aux passages d’engins.
L’idée est de définir des voies de passage permanentes sur les parcelles en utilisant de grandes largeurs de travail et des pneus étroits afin de réduire au maximum la surface de circulation des machines. Il apparaît que le CTF permet de réduire le tassement du sol à seulement 15 % de la surface, donc potentiellement moins de perte de potentiel global lié à cette problématique.
Cette technique implique d’avoir des outils avec des largeurs qui sont multiples les unes des autres (4m50/9m/18m ou bien 3m/6m/12m). Le changement de l’ensemble du parc matériel pour implémenter le CTF sur l’ensemble des cultures représenterait un coût trop important d’une traite. Cela demande donc une réflexion globale en amont, à implémenter avec le temps au fur et à mesure du renouvellement des outils.
4 - Garder ses pailles sur le sol pour nourrir l’activité biologique et améliorer la stabilité structurale
On considère les résidus de culture non pas comme des déchets verts mais plutôt comme des éléments clés de la productivité de nos fermes.
Les pailles sont un éco carburant du sol pour la microfaune et flore du sol. Les processus de dégradation et de minéralisation nourrissent toute une chaîne d’organismes dont le résultat est l’amélioration de la stabilité structurale du sol grâce à la production de glomaline (« colle du sol ») qui permet l’agrégation et l’organisation des particules du sol.
Une fois la paille digérée, la lignine s’accumule dans le sol et participe à l’humification (accumulation de matière organique stable), qui a des propriétés physiques du sol à plus long terme.
5 - Gérer les pailles en fonction des contraintes matérielles : semoir à disques ou semoir à dents
La hauteur de coupe des pailles et la faculté de répartition et de broyage des résidus ont une influence sur la suite du processus dans le cas où la paille n’est pas exportée et que l’on souhaite semer en direct dans les pailles un couvert ou une culture.
Les semoirs à disques offrent un meilleur contact sol-graine en l’absence de paille couchée au sol, ou si les pailles sont debout, ou si les pailles sont sèches et se coupent bien. Ainsi, si l’on est équipé d’un semoir à disques, il est préférable de couper les pailles le plus haut possible pour éviter d’avoir trop de résidus au sol. L'idéal est le stripper, qui permet d’arracher les épis tout en laissant la quasi-totalité des pailles au-dessus du sol. Un stripper coûte plus cher qu’une barre de coupe normale, mais il permet un meilleur débit de chantier car toute la paille ne passe pas dans la machine.
Inversement, un broyage plus ou moins fin est une bonne alternative si l’on est équipé d’un semoir à dents ou si un travail de sol est prévu en post-moisson avec des outils qui ont tendance à bourrer. Un broyage grossier peut être envisagé si le sol présente une bonne activité biologique.
6 - Récupérer les menues pailles : un levier intéressant pour la lutte contre les adventices
Les menues pailles sont les résidus végétaux rejetés par la moissonneuse batteuse lors du nettoyage du grain pendant la moisson (blé, orge, colza). Elles sont composées de morceaux de paille, de l’enveloppe du grain et de graines d’adventices.
Le premier intérêt de cette technique est d’éviter de remettre les graines d’adventices sur le sol et ainsi de limiter cette pression au fil du temps. Un essai mené par Arvalis de 2014 à 2018 a démontré un effet significatif de cette pratique sur la pression adventice. Cet essai a été mené sur une parcelle non labourée avec forte présence de ray grass résistant (>40 ray grass/m2 à la récolte) et consistait à étudier une modalité « menues pailles récupérées et exportées » avec une modalité « menues pailles éparpillées dans le champ ». La première année, la technique a permis de récupérer 70 % des graines de ray-grass qui n’étaient pas tombées au sol avant la moisson. Peu d’effet a été observé sur l’enherbement à court terme, dû au stock semencier déjà présent dans le sol. En revanche, a été constatée une réduction de la pression ray grass de l’ordre de 40% l’année suivante et une augmentation du rendement de 20% au bout de 3 ans, toutes choses égales par ailleurs. Les effets visibles seraient donc plus à moyen-long terme.
7 - Implanter des couverts végétaux pour stabiliser la structure du sol et en améliorer la porosité
Un tassement de surface (<20 cm) peut être corrigé par un travail du sol superficiel, contrairement à un tassement profond (>20-30 cm) qui ne peut être corrigé mécaniquement. La présence de racines dans le sol ainsi que l’action des vers de terre peuvent recréer une porosité en étant présent suffisamment longtemps sur la parcelle, mais cela prend plus de temps.
De plus, la porosité créée par la biologie du sol est la plus résistante à la pression. Les macropores créés par le labour sont peu connectés les uns aux autres et résistent mal aux aléas et à la pression des engins. Au contraire, la microporosité favorisée par les pratiques de conservation est plus résiliente et facilite la prospection racinaire.
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Destruction des couverts et implantation des cultures d'automne