Réussir l’implantation d’une couverture végétale dans le maïs
Pour limiter les pertes d’éléments nutritifs par lixiviation, amortir l’impact du trafic sur la structure du sol et nourrir l’activité biologique, il est important de réfléchir sur l’implantation d’une couverture végétale pendant et après la culture de maïs.
Dans le cas d’une monoculture de maïs, les 6 mois qui séparent la récolte du semis constituent une période où le climat est agressif pour le sol et où il est important de le protéger de l’érosion.
Cependant, l’implantation des couverts après la récolte du maïs peut se montrer compliquée. Le semis est réalisé tard en saison à une période où le climat se refroidit vite, ce qui réduit leur développement et leur capacité à résister au gel. De plus, en cas de récolte tardive dans des conditions humides, la structure du sol est impactée et les conditions de semis sont défavorables.
Avec les membres de la League, nous réfléchissons à des alternatives pour sortir du maïs avec une couverture végétale déjà en place.
Le maïs est une culture qui supporte mal la concurrence en début de cycle
Cultiver le maïs sous couvert est une technique encore très peu répandue en France du fait des nombreuses difficultés qu’elle rencontre.
Tout d’abord, contrairement au colza qu’il est courant d’associer à des plantes compagnes, le maïs n’apprécie pas la concurrence au démarrage et n’a pas cette capacité de rattrapage.
Le risque d’implanter le couvert en même temps que le semis du maïs est donc de créer une compétition qui tourne en faveur du couvert et qui pénalise le rendement de la culture en place.
L’autre risque est de créer une concurrence pour l’eau en été qui serait fortement défavorable au rendement du maïs en cas de sécheresse et en l’absence d’irrigation sur la ferme.
L’implantation du couvert en décalé semble être une approche plus viable.
Quentin Ouvrard, membre AgroLeague en Maine-et-Loire (49), implante des prairies dans des maïs ensilage sur les parcelles les plus humides de sa ferme où il ne peut pas faire de méteil.
“Le but est de réimplanter une prairie derrière une prairie naturelle à bout de souffle, exprime Quentin. Notre itinéraire cultural est le suivant : un passage de cultivateur, un passage de rotovateur, un apport d’effluents (fumier, lisier), un labour (le seul labour de la ferme !). Puis, nous semons le maïs de manière classique au semoir mono graine, implantons la prairie en décalé avec un semoir centrifuge et réalisons deux passages de rouleau. Au stade 3-4 feuilles du maïs, un désherbage anti dicotylédones est appliqué. Après ensilage du maïs, la prairie est en place et permet un pâturage des animaux avant l'hiver.”
Si les implantations sont réussies chez Quentin, les résultats de cette technique restent au global très aléatoires avec des couverts qui peuvent venir à concurrencer le maïs et occasionner de fortes baisses de rendement en cas de conditions limitantes en eau. Si cette baisse de rendement peut être compensée par la valorisation de la biomasse produite en élevage, elle est beaucoup plus dommageable en grandes cultures.
De plus, cette approche peut poser des difficultés en termes de gestion du désherbage, la rémanence des matières actives utilisées pouvant être préjudiciable pour la germination et le développement des couverts.
L’implantation en cours de végétation est la piste la plus viable
L'approche la plus étudiée pour réussir l’implantation d’un couvert dans un maïs est donc celle qui consiste à semer le couvert en cours de végétation. À partir des retours terrain des agriculteurs qui pratiquent cette technique, deux pistes principales ressortent.
La première est l’implantation d’un couvert de légumineuse dans le maïs au stade 6 - 8 feuilles. La réussite de cette pratique est dépendante à la fois des conditions météorologiques (une certaine pluviométrie est nécessaire pour alimenter le couvert) et des conditions d’orientation des rangs de maïs. En effet, une orientation Nord-Sud et un écartement large des rangs permettent au couvert de bénéficier du temps nécessaire pour commencer sa pousse à la “mi-ombre” du maïs.
Il est évident qu’il y a des produits de désherbage avec de la rémanence qui auront une phytotoxicité sur le couvert s’ils ont été utilisés (notamment, tout ce qui est à action racinaire).
La deuxième est l’utilisation d'un drone ou d'un enjambeur pour semer le couvert dans le maïs en fin de végétation, juste avant le dernier passage d'irrigation ou avant un passage de pluie au même moment si l’irrigation n’est pas présente sur la parcelle.
Au mois de septembre, le feuillage du maïs s’ouvre et laisse de plus en plus la lumière arriver au sol. À cette période post-estivale, le retour de l’humidité facilité la germination et le développement des couverts. Néanmoins, un matériel spécifique est nécessaire pour passer dans une végétation haute et dense.
Noël Deneuville, membre AgroLeague dans la Nièvre (58), pratique cette technique du “semis nature” sur sa ferme depuis de nombreuses années.
“Pour semer le couvert dans le maïs, je suis équipé d’un enjambeur, détaille Noël. Je sème mes mélanges lorsque le maïs commence à jaunir. S’il fait sec, les graines restent au sol et vont germer dès que la pluie arrive. Dans ce cas, mieux vaut éviter de broyer les cannes sous le cueilleur. Laisser les cannes droites permet de faciliter leur germination."
Le maïs corridor : une alternative en cours d’essai
Cette technique consiste à faire pousser en même temps que le maïs des couverts végétaux performants dans un inter-rang de 150 cm d’écartement. L’approche nous vient d’outre-Atlantique avec des essais qui sont menés aux États-Unis et au Canada depuis une quinzaine d’années.
Le maïs corridor ne fait pas appel à du matériel spécifique : il suffit de bloquer un rang sur deux du semoir à 75 cm. Un semoir de semis direct à céréales adapté est ensuite utilisé pour semer les couverts en inter rang. Celui-ci est implanté entre le stade 2 feuilles et le stade 4 feuilles du maïs pour éviter la concurrence au démarrage et gérer une partie du désherbage.
Les premiers essais en France ont été mis en place en 2020 chez 3 agriculteurs bretons à travers le projet Agriculture Écologiquement Performante, suivi par l'association les Agron’Hommes. Les résultats de ces essais ont montré une baisse de rendement d’environ de 10 à 20 % comparé à du maïs classique.
Si cela questionne l’intérêt de la démarche sur le plan économique, la technique reste à perfectionner et une meilleure maîtrise de l’itinéraire cultural pourrait permettre de limiter ces pertes.
La présence du couvert végétal apporte des externalités positives au système en termes de structure, portance et fertilité biologique. L’idée est de penser la culture du maïs en 3 dimensions : récolte - fertilité du sol - stockage de carbone.
Par ailleurs, la biomasse produite par le couvert à la sortie du maïs peut être valorisée en élevage comme source additionnelle de fourrage pour les animaux, ou dans un projet de méthanisation.
Au global, le maïs n’est pas la culture culture la plus appropriée pour être menée sur un couvert végétal vivant. Néanmoins, des pistes de réflexion existent et sont explorées par les agriculteurs pour les perfectionner.
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Destruction des couverts et implantation des cultures d'automne