Techniques culturales de la betterave en non labour - avec Anthony Frison
Le contexte économique et climatique pousse de plus en plus les agriculteurs à revoir leurs méthodes de production pour garder de bons rendements tout en diminuant les coûts de production et en conservant leur capital sol.
La betterave est une culture particulièrement délicate à mener en agriculture de conservation des sols. La petite taille de ses graines lui confère une faible force d’émergence. Elle nécessite donc un lit de semence meuble pour assurer un bon contact sol-graine ainsi qu’un état nutritionnel correct pour permettre une levée homogène et un bon enracinement.
Si la conduite de cette culture est difficile à mener en semis direct, elle n’est pas incompatible avec la réduction du travail du sol. Anthony Frison, agronome chez AgroLeague et agriculteur dans le Loiret, cultive ses betteraves en non-labour depuis 9 ans. Il a mené différents essais dans le but de réduire au maximum le travail du sol dans son itinéraire cultural. Dans L’Agronomie & Nous, il nous partage quelques règles à respecter pour mener la betterave en techniques simplifiées issues de son expérience terrain et de ses expérimentations.
Le choix et la gestion du couvert végétal d’inter-culture
La gestion du couvert végétal est le premier élément déterminant en vue de la préparation du futur semis de betterave. En l’absence de travail du sol profond, les racines vivantes vont apporter l’effet structurant et éviter que le sol ne se reprenne en masse. Le couvert est implanté en direct dans les chaumes après la moisson. Anthony choisit un mélange de légumineuses pour rapporter de l’azote (féverole, vesce, trèfle incarnat) et de plantes avec un système racinaire puissant pour structurer le sol (radis chinois, moutarde).
« L’idée est de ne pas semer le futur rang de betterave. Semer 2 rangs sur 3 permet de permet de protéger le futur rang du dessèchement et se prémunir des résidus végétaux ».
Un couvert relai d’orge peut éventuellement être implanté à l’automne pour prolonger le premier couvert jusqu’au printemps. Celui-ci peut être semé en direct dans des conditions bien ressuyées en roulant le premier couvert avec le semoir du semis direct.
La date de destruction du couvert est fondamentale dans la réflexion. Une destruction trop précoce peut entraîner une reprise en masse du sol par l’absence de racines vivantes, une destruction trop tardive peut assécher le sol et entraîner une faim d’azote en début de minéralisation au printemps. Il faut trouver la période adéquate et adapter la fertilisation de la betterave en conséquence.
Le strip-till et/ou pré-traçage pour préparer le futur lit de semences
À l’automne, un passage de strip-till est effectué sur les parcelles limoneuses et un passage de pré-traçage (mini dents localisées sur la ligne de semis) sur les parcelles argilo-calcaires. Au printemps, les bandes sont reprises avec les pré-traceuses sur les limons et les argilo-calcaires 10 jours avant le semis pour réchauffer le sol. Ne pas travailler l’inter-rang permet de réduire la levée de dormance des adventices et de ne pas perturber l’activité biologique sur le rang. Les racines du couverts ont le temps de recoloniser la bande pour éviter que le sol ne se reprenne en masse.
« L’idée du strip-till est d’imiter les avantages du semis direct tout en essayant de résoudre les inconvénients que peut avoir le SD sur les cultures de printemps. Gratter le sol sur la ligne de semis permet de créer cette petite différence de température favorable à la germination et au démarrage de la betterave. Dans ce cadre, avoir un guidage GPS est indispensable ».
De plus, maintenir un inter-rang portant va permettre de moins impacter le sol au moment de la récolte. Les arracheuses de betteraves sont des engins lourds qui peuvent compacter le sol, surtout si la récolte se fait dans des conditions humides. Avoir un sol structuré et portant va permettre de revenir plus facilement en travail simplifié ou en semis direct par la suite. Cela est important à prendre en compte lorsque l’on cherche à intégrer la betterave dans un système d’agriculture de conservation des sols.
Adapter sa nutrition pour assurer un bon démarrage de la betterave
Le non-travail du sol peut entraîner une baisse de la minéralisation pouvant aller jusqu’à -60 unités d’azote la première année. De plus, un sol pas ou peu travaillé se réchauffe moins vite au printemps qu’un sol travaillé. Cela a tendance à impacter la dynamique de levée.
« Pour chaque jour de retard à la levée, on peut compter 1 tonne de moins sur le rendement final. Une fois passé ce cap, on peut tendre vers des belles réussites de betterave en techniques simplifiées ».
Cela demande donc une adaptation de la fertilisation et surtout du premier apport d’azote pour assurer une bonne vigueur au démarrage. Dans ce cadre, l’utilisation de la fertilisation localisée est un vrai plus. Cette technique permet de positionner les éléments nutritifs nécessaires au développement de la betterave à proximité de ses racines. Localiser les engrais permet également de ne pas nourrir l’inter-rang et ainsi de réduire la pression des adventices.
Il faut tout de même faire très attention au phénomène de toxicité, la betterave étant très sensible aux engrais starter. « Il faut être très vigilant à ne pas brûler le germe en appliquant de trop fortes doses d’engrais dans la ligne de semis. L’idée est de respecter la règle des 5-5 (5 cm décalé, 5 cm plus profond) ».
Précision sur le matériel
Pour tenter de semer des betteraves en techniques simplifiées ou en semis direct, le semoir doit être bien équipé.
Une pression est exercée sur chaque élément semeur afin de faire pénétrer les disques dans le sol. La force se concentre sur la bande de terre située entre le disque et la roue de jauge. Dans des sols argileux, cela peut entraîner un risque de lissage qui sera difficile à casser pour refermer le sillon et induira un mauvais contact sol-graine. Il existe des bandages RID (« reduced inner diameter » = diamètre intérieur réduit) qui permettent d’éviter le tassement entre le disque semeur et la roue de jauge.
Anthony utilise ces bandages RID et possède une chaîne de dragage à l’arrière pour ramener de la terre sur les sillons. Il revient également 24h après semis pour appuyer le sol. « Cela me fait 2 passages. Mais grâce à cette technique, j’ai réussi à améliorer mon taux de levée de 80% il y a 4 ans à 98% l’an dernier ».
Le mot de la fin ?
Depuis 9 ans, Anthony expérimente afin de trouver des principes qui lui permettent d’améliorer la démarche d’année en année. Ces techniques lui permettent de réduire son temps de travail, sa consommation de carburant et de limiter l’impact sur son sol.
« Il ne faut tout de même pas prendre trop de risques. Pour semer une betterave en semis direct, il faut le sentir, ne pas oublier son bon sens paysan ».
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Destruction des couverts et implantation des cultures d'automne