Laurent | Seine-Maritime
"Je suis en EARL avec ma mère. On a 170 ha de cultures dont 20 ha en cultures industrielles La particularité de notre exploitation est qu’elle est sur 3 blocs dont les plus éloignés sont à 73 km de distance.
Il y a une dizaine d’années, je suis rentré dans un groupe bas volume. L’idée était de trouver des alternatives aux phytos avec des produits naturels. J’en avais aussi marre d’appliquer des recettes toutes faites, on ne prend pas de plaisir à faire son métier. Je me posais des questions depuis des années mais j’avais peur de me lancer; on a une page blanche et on doit oublier tout ce qu’on a appris. Je suis rentré dans le groupe et je me suis lancé. Le groupe rassure.
Mon père a arrêté le labour systématique en 96. On ne labourait plus que pour les cultures de printemps. Quand je me suis installé, on a presque doublé la taille de l’exploitation. On n’avait plus le temps de trop travailler le sol. On est alors parti sur un système où on faisait tout en un seul passage. On louait un tracteur pour faire les semis. Mais ce n’était pas tenable économiquement. C’était l’escalade au machinisme. On a essayé de supprimer l’ameublisseur une année et puis on a semé sans lui pendant 3 ou 4 ans : ce fut le déclencheur pour moi. Après ça, je suis passé en semis direct sous couvert puis en agriculture de conservation.
Maintenant, je m’éclate. Il n’y a plus de routine; je réapprends tout. Je ne suis pas en lutte mais en accompagnement de mon sol. Ce n’est plus un support, c’est bien plus. Ça correspond au modèle de l’agriculture que j’imaginais. On a du relief et des terres hétérogènes; on a tout pour que ce soit compliqué. La stratégie d’adaptation est la clé. En remettant l’agronomie au coeur, on a de meilleures levées, un meilleur ressuyage. J’ai l’impression d’avoir une autre ferme.
En remettant de l’agronomie, chose que je ne faisais plus, on devient moins dépendant à la chimie, au machinisme. J’ai repris mon métier entre mes mains. Il n’y a rien d’écrit et rien de sûr. Il m’arrive d’avoir des échecs et je regarde ce que j’ai fait pour ne pas refaire. Mais la décision reste celle que j’ai prise au départ, on ne me l’a pas imposée. Je n’ai pas toutes les connaissances. On n’en est qu’au début. On n’a pas toute la maitrise et on ne l’aura jamais. Mais il y a le travail technique que l’on fait avec AgroLeague, et aussi l’importance du groupe. Quand tu es en groupe, tu peux avoir autant de visions différentes.
Mon prochain défi est de fabriquer et d’appliquer mes extraits fermentés pour réduire encore davantage la chimie. Je n’ai pas envie de m’exposer et ce n’est pas tenable pour les générations futures. Le modèle est dépassé, on ne peut plus travailler pour ça. Il faut se remettre en question et trouver d’autres façons de faire."
Laurent, membre AgroLeague installé en Seine-Maritime
Destruction des couverts et implantation des cultures d'automne