Tanguy | Belgique
« Mon projet en tant que paysan, c’est l’autonomie maximale sur la ferme, la diversification des débouchés et la protection de mon sol.
Je me suis installé en 2007 avec mon épouse sur une ferme proche de l’exploitation familiale avec des bovins allaitants. On a eu ensuite l’occasion de s’agrandir en 2008 en récupérant une partie de la surface de mes parents. C’est ainsi que l’on a commencé les grandes cultures.
La réalité économique de l’élevage allaitant nous a poussé à nous diversifier, d’abord en 2015 avec la mise en place d’un atelier de poulets, qui nous a paru une évidence pour valoriser les céréales dans les rations et utiliser les fientes comme fertilisants. Nous avons ensuite démarré une transition vers l’agriculture biologique sur une partie de la ferme qui s’est faite graduellement et y avons intégré un élevage de porcs. Mon épouse vient d’une famille d’éleveurs porcins, c’était donc un projet qui lui tenait à cœur. Nous inaugurons également une boucherie le 15 décembre pour vendre nos produits en direct (Biobeef • Boucherie & découpe). Aujourd’hui, l’exploitation a une SAU de 215 ha dont 80 ha de bio (50 ha de prairies + 30 ha de cultures) et 135 ha de conventionnel partagés en 2 sites.
J’ai démarré à la base dans une optique très conventionnelle tout en labour. Ma réflexion sur la réduction du travail du sol est arrivée en 2012 suite au visionnage d’une vidéo Youtube d’un agriculteur qui semait ses céréales en direct dans un couvert biomax avec un semoir Sky. Cela a attisé ma curiosité car allait à l’encontre de ce que j’avais appris dans mon cursus scolaire et dans mon parcours en tant que jeune agriculteur. En école de sciences agronomiques et gestion agricole, on apprenait par cœur les matières actives et comment réussir un bon labour. Donc quand j’ai vu qu’il existait un autre type d’agriculture, ça a été le coup de foudre.
Ma curiosité a fait le reste. J’ai commencé à m'informer sur ces techniques en regardant des vidéos des pionniers de l’ACS et ai commencé mes premiers essais de non-labour dans la foulée. Sur une parcelle test, j’ai labouré la moitié et je suis passé avec la herse rotative et le semoir sur l’autre moitié. À la moisson, je n’ai constaté que 50 kg/ha d’écart avec le labour, ça a fini de me convaincre. J’ai également remarqué que le non-labour diminuait les problématiques liées aux sangliers : laisser les épis de maïs en surface réduisait les dégâts dans les blés qui suivaient.
J’ai étendu la méthode à l’ensemble de la surface progressivement, jusqu’à l’arrêt total du labour il y a 2 ans. Je voulais aller vers du semis direct, mais je voyais mal comment adapter cette technique à mes contraintes locales : moissons tardives, reprise des pailles, gestion des effluents, semis des couverts végétaux, … Les fenêtres de tir sont courtes et cela présente des risques. J’ai finalement franchi le cap cette année avec l’achat d’un semoir à semis direct Horsch Avatar l’hiver dernier. Mon objectif désormais est de partir sur des couverts permanents car ils permettent d'avoir une couverture du sol vivante en interculture sans devoir refaire un semis spécifique et possèdent de multiples avantages agronomiques par ailleurs. J’ai implanté du trèfle blanc sur mes terres hydromorphes et de la luzerne sur mes terres échanges à pH élevé. Le trèfle a été implanté avec le colza en août et la luzerne sera implantée au fur et à mesure en 2022.
J’ai semé mes premiers blés en direct cet automne. Je suis globalement satisfait, même si je pense que j’ai semé dans des conditions un peu humides. Je ne l’attribue pas au semis en direct en soi mais plutôt à l’arrivée tardive du semoir sur la ferme. S’il était arrivé début octobre, la qualité d’implantation aurait été meilleure selon moi.
Ma rotation sur la partie conventionnelle se fait sur 5 ans : colza, blé, orge, maïs grain, blé. J’y implante des couverts biomax (radis chinois, forage, moutarde, niger, tournesol, phacélie, vesce). Pour la partie bio, se suivent 2 maïs grain et 2 méteils (féverole, pois protéagineux, orge, blé, triticale) avec un couvert de féverole entre les 2 maïs grains. Le méteil sert principalement pour l’alimentation des cochons et à hauteur de 10 à 15% pour les bovins. Pour le reste, on fait du préfané pour le cheptel. La quasi-totalité du maïs grain et du blé sont autoconsommées. Mes cultures de vente sont donc le colza et l’orge.
On m’a souvent pris pour un extra-terrestre dans mon secteur. Il y a des convictions encore très fortes dans le milieu : le visuel d’un beau labour avec un beau semis est encore très ancré dans les mentalités comme étant la marque de réussite d’une céréale. Ma démarche est encore inenvisageable pour beaucoup de mes voisins. Malgré tout, les gens sont curieux, ils s’arrêtent pour voir mes parcelles car ils ne croient pas que c’est possible de faire comme je fais. Ma démarche n’est certainement pas la plus facile, mais elle est bien plus passionnante ! On redécouvre l’agronomie qu’on avait laissé sur les bancs de l’école. On fait table rase des idées préconçues et on repart sur un nouveau référentiel de pensées. J’ai pour habitude de dire que « pour celui qui croit, ça ne fait qu’aller ». On remet l’agronomie au centre et on bâtit son système autour.
Dans ma transition vers l’ACS, j’avais des questions et je ne trouvais pas les réponses que je recherchais du côté Belge. J’ai donc rejoint AgroLeague. On sent un vrai suivi de votre part. L’agronome de mon secteur est très ouvert et compétent. C’est vraiment génial d’avoir des gens comme ça sur le terrain. On ne se sent pas jugé. Je n’ai pas peur de poser mes questions. Il m’a complètement rassuré. »
Tanguy, membre AgroLeague en Belgique.
Destruction des couverts et implantation des cultures d'automne